Le sifflement résonne dans la caverne, long et aigüe, un signe qu'elle comprendra directement. Si elle l'entend par dessus les grognements et les cris. Ah, oui, j'ai oublié de préciser : il y a des grognements et des cris. Parce que je suis poursuivi par une horde de singes. Enfin, il me semble que ce sont des singes, je suis pas vraiment sûr, j'ai pas trop eu le temps d'analyser l'espèce avant qu'ils se mettent à me courser. Bref, passons, ce qu'il faut retenir c'est que je suis dans la merde, c'est un assez bon résumé.

Je ne me soucis pas de Viria, le signal de retraite a été donné et je sais qu'elle se débrouillera très bien toute seule. Celui qui a vraiment du souci à se faire actuellement c'est moi, parce que le chemin jusqu'au vaisseau est couvert d'obstacles de type gros cailloux et arbres renversés, que le sol est humide, que je suis dans une pente montante et que je dois faire attention dans ma fuite à ne pas casser le spécimen de champignon que je suis tout spécialement venu chercher ici. Et en bonus, ne pas non plus shooter les animaux qui veulent ma peau parce qu'ils ne font que défendre leur territoire. Un bon programme, en soit. Mais croyez le ou non : j'ai connu pire.

La douleur dans les muscles se fait ressentir mais mes jambes tiennent bon, habituées à ce genre de course sur terrain accidenté. Je saute, je glisse, je m'accroupis, toujours fixé sur le chemin du vaisseau. Je risque un coup d'oeil derrière moi : ils gagnent du terrain, merde. Je saisis Vigil de ma main libre, mécontent à l'idée de devoir utiliser le blaster. C'est peut-être ce moment d'inattention qui me coûte de me prendre une branche en pleine gueule, la gifle laissant une sensation de brûlure sur le côté droit de mon visage. "Fuck, fuck, FUCK !" Mon cri trouve réponse dans une ombre surgissant de nul part alors que Viria se poste face à la horde et lâche un rugissement qui les fait hésiter assez longtemps pour que je regagne mon avance. "Thanks, gorgeous !" Je la dépasse sans ralentir et après une centaine de mètres, j'aperçois enfin le Menagerie. Mon blaster retrouve son étui à ma taille et de quelques mouvements de doigts précis de ma prothèse, j'active la porte du cargo et les moteurs qui vrombissent dans une merveilleuse mélodie. "COME ON, BABY, LET'S GO !" Pas besoin de sifflement cette fois-ci, Viria est habituée à ce genre de départ en catastrophe et moi aussi : elle s'élance la première, me dépassant rapidement et disparaît dans le vaisseau. Nouveaux mouvements de doigts et la porte fait marche arrière. Je time parfaitement mon arrivée et me jette dedans juste avant qu'elle ne se referme totalement. Je suis hors d'haleine, transpirant, cinglant mais vivant ET avec mon précis cargo ! "Not bad, huh ?" Comme à son habitude après ce genre de course, Viria m'ignore totalement pour aller se lover dans son coin. "Oh, come on, it was fu-" Le vaisseau est secoué d'un coup et j'entends à travers le panneau de métal des hurlements bestiaux suivis de coups. "Yeah, alright, not fun !" Je me retrouve derrière le panneau de contrôle en quelques secondes et prends les commandes pour faire décoller le vaisseau et nous tirer d'ici.

Le Menagerie décolle et les hurlements cessent. Je nous élève dans les airs à une bonne distance pour quitter l'atmosphère de la planète, sait-on jamais qu'un dinosaure volant vienne nous faire coucou, et j'entre Korath en FTL. Dans cinq petites minutes, on sera prêts à partir. J'en profite pour retourner derrière, gratter la tête d'une Viria endormie et entreposer plus soigneusement que sur le sol la capsule en verre contenant les champignons en terre. J'ouvre le compartiment réfrigéré, le réglant à la température de la caverne où ils étaient, quand les lumières du vaisseau s'éteignent toutes en même temps avant que la lueur rougeâtre de sécurité prenne le relai. "Fuck."

Le panneau indique une avarie au niveau d'un des moteurs, ce qui est bien con parce que je viens de le faire réparer, donc soit je me suis fait escroquer et ça m'étonnerait beaucoup de ma mécano, soit une de ses bestioles a tapé pile où il ne fallait pas. "Fuckin' monkey." Sans paniquer, je pianote quelques secondes pour envoyer un message de détresse à qui pourra le capter. "Alright, I got a good news and a bad news, you wanna here 'em ?" Viria ne répond évidemment pas, trop occupée à la sieste. "Yeah I figured..." Je me relaxe dans ma chaise, attrapant une des canettes de boisson chimique que j'adore sans même prendre le temps de me nettoyer le visage et je fixe l'océan d'étoiles devant moi, patientant tranquillement qu'on vienne me chercher. Not my first rodéo.

La musique fait vibrer les cloisons du vaisseau alors que je danse avec pour seul public les étoiles devant moi. J'engloutis ma quatrième boisson énergisante et beugle plus que je ne chante les paroles du refrain le tout dans un magnifique moment de air guitar. Comment j'en suis arrivé là ? Et bah j'ai fait le tour du vaisseau trois fois, l'inventaire une et demi, j'ai même commencé à ranger avant de me laisser distraire par un magazine spécifique - deux fois - et ça faisait quand même que quatre heures que le signal était parti alors j'ai commencé à me faire sacrément chier. Du coup j'ai fait ce que je fais de mieux, à savoir laisser le chaos prendre sa juste place. Donc voilà, musique à fond, air guitar et chimie liquide, un parfait mix. Je suis tellement dedans que je manque presque le signal d'arrivée d'un nouveau vaisseau qui clignote sur l'écran. "NICE !" Je m'apprête à augmenter le son pour accueillir mon sauveur, espérant faire bonne impression dans le cas où le sauveur en question se trouve être célibataire, lorsque j'aperçois la silhouette de l'Obsidian.

Mon sourire hyperactif retombe dans une moue désapprobatrice et le morceau s'arrête net alors que je coupe le son. Viria tourne sa tête vers moi, probablement consciente que quelque chose cloche puisque ce changement soudain ne me ressemble pas. "Yeah, it looks like our new friend ain't so new after all." Je reporte mon attention sur le vaisseau qui nous passe au-dessus pour se préparer à se connecter. J'hésite à désactiver les boucliers un quart de seconde. Je suis pas obligé d'accepter son aide à lui. Il y a bien quelqu'un d'autre qui finira par passer. Mes doigts pianotent automatiquement et les boucliers se désactivent alors que la trappe se déverrouille : je ne suis pas un gamin à ce point.

Je fais mine d'aller vers le point d'accès, envoie une canette valser du bout du pied que je m'empresse d'attraper et de jeter avant qu'il arrive. La pointe de colère arrive alors que je tente de mettre un peu d'ordre autour de moi : je n'ai pas à l'impressionner ou à faire bonne figure et je suis saoulé d'avoir eu l'instinct de le faire malgré tout. Je relâche nonchalamment une autre canette pliée qui vient s'écraser à mes pieds alors que la trappe s'ouvre et que sa silhouette se glisse dans l'habitacle. Je serre les poings alors que Viria avance vers lui pour l'accueillir et je dois me retenir de lui ordonner de ne pas bouger. A quoi bon ? Elle ne comprendrait pas l'ordre, il n'a aucune signification pour elle, Khelan n'est pas un ennemi, bien au contraire. Du moins, avant. Je m'appuie dans l'embrasure du cargo bay, regardant avec une pointe de nostalgie Dex et Viria se retrouver avant d'être rappeler à la réalité par l'intensité de son regard. Je le soutiens sans défaillir même si je n'en ai absolument pas envie, je refuse de perdre la face.

Il contourne Viria d'un pas souple que je lui connais bien. En le détaillant, je constate qu'il n'a pas beaucoup changé, en trois ans. Je n'arrive pas à décider si c'est une bonne ou une mauvaise chose, qu'il soit comme figé dans le passé. Toujours est-il que de devoir lui faire face, changé ou pas, n'a rien de facile et lorsqu'il brise enfin le silence, je sens mes poils se dresser sur ma nuque. Sa voix. En trois ans, c'est ce que j'avais le plus oublié. Je souffle à sa question, content d'avoir un défouloir pour cacher mon émoi. "Ship broke down. It does that, you oughta know." Le ton est sec et je fais volte face pour afficher l'analyse vaisseau sur le tableau de bord et la projeter en grand sur l'écran du cargo bay avant de revenir me poster exactement au même endroit, bras croisés sur le torse. "But of course, you decided to forget that aswell. Not surprised." Je sais que le commentaire n'était ni obligatoire ni bienvenu, mais je n'ai pas pu m'empêcher de le sortir. Je fais mine de rien, observant l'analyse que j'ai déjà vérifié en détail pour me donner une contenance. This is awkward.

La tension dans la pièce est électrique et pas dans le bon sens du terme. Je peux physiquement le sentir se tendre à la pique que je lui fais et il me faut beaucoup de volonté pour fixer l'écran en évitant soigneusement son regard. Enfin il me répond et j'esquisse un sourire satisfait : pas parce qu'il vient de me dire de la fermer et que j'ai un kink pour le tough talk mais parce que j'ai réussi à faire exactement ce que je voulais. L'énerver. Lui faire perdre son sang-froid. Je ne suis pas fier de ce genre de comportement puéril, évidemment. C'est petit et mesquin et ça ne me ressemble pas, mais avec lui, je ne peux pas m'en empêcher. Je lui glisse un regard lorsqu'il soupire, essayant visiblement de se calmer comme il peut. Il regarde l'écran, secoue la tête, porte sa main à son épaule, regarde autour de lui, parle à Dex, serre les dents et... Et je n'arrive pas à le lâcher du regard. Je lâche un petit grognement, agacé par ma propre attitude. Ca fait trois ans, je ne devrais pas avoir de problème à l'ignorer et pourtant...

Je profite du ballet de l'astromech dehors pour me changer les idées, une source extérieure toujours bienvenue pour ignorer l'Isolé au milieu de la pièce. L'avarie est vite repérée et j'imagine trop bien la tête de la bestiole qui a fait ça et ce qu'elle aurait pu faire si je n'avais pas couru assez vite. Ca m'aurait tiré une grimace et une blague douteuse à Viria s'il n'avait pas été là. Mais il est là et il n'est pas prêt de se barrer vu la gueule de mon propulseur. Je sens son regard accusateur vers moi et je tourne la tête de côté pour lui cacher ma moue singeuse quand il mentionne l'état du Menagerie. Comme si ça l'étonnait vraiment. Il a vu mon vaisseau un nombre incalculable de fois. Il sait comment il fonctionne. Que j'ai pas ni le temps ni les moyens ni même l'envie d'avoir un engin flambant neuf. Et qu'est-ce que ça peut lui foutre, de toute façon ? Il n'a plus rien à voir avec, alors on se passe de ses commentaires.

Par réflexe, je fais un mouvement du poignet et mon fouet en sort de quelques centimètres. Je tire sur l'embout métallique, m'accordant une longueur suffisante pour l'entortiller autour de mes doigts comme je le fais quand j'ai l'esprit trop agité. Je capte un mouvement de tête de Viria qui a maintenant les yeux braqués sur moi. Elle doit sentir que ça ne va pas. J'ai envie d'exploser mais ça ne serait pas juste. Je me râcle la gorge, me balançant nerveusement d'une jambe à l'autre, quand Khel se retrouve soudainement trop prêt de moi. Je ne sais pas ce qui me fait vriller, sa proximité ou sa remarque. Toujours est-il que je retrousse les lèvres, un trait que j'ai emprunté à Viria au fil des années, et le toise avant de lui répondre trop sèchement même pour la situation : "You mean since you left ? Or just today ?" Je peux entendre le venin dans ma voix et ça ne me plaît pas mais je n'arrive pas à me contrôler, trop de choses bouillonnent sous la surface depuis trois ans et j'ai jamais été doué pour me canaliser. Par pure provocation, j'attrape une nouvelle canette que j'ouvre et prends une longue gorgée en le regardant dans les yeux. "What's it to you, anyway ?"

C'est le miaulement presque inaudible de Viria qui me ramène à moi. Elle est parfaitement immobile, le vert de ses yeux appelant au calme. Je passe d'elle à lui pour revenir sur elle. "Sorry."
Je ne sais pas vraiment à qui est destinée l'excuse et je lâche un soupire avant de retourner dans le cockpit. Je pianote sur les touches et la musique revient moins forte et plus douce, brisant un silence trop difficile à supporter. Je retourne me poster dans l'embrasure de la porte, histoire de ne pas paraître complètement grossier. "You know we don't have to talk. It's... Nice... of you to help but this is going to take a while so..." Je me laisse glisser le long de la paroi, m'asseyant nonchalamment en plein milieu du passage avant de prendre une autre gorgée. It does not taste good.

Je suis habitué à avoir une poker face. J'aime pas faire ça, parce que je vois pas trop l'intérêt de cacher tout ce qu'on ressent, mais quand un pirate éméché vous pointe son blaster dessus après une soirée trop arrosée dans l'un des bars de Korath, il vaut mieux savoir rester neutre pour pas énerver l'animal davantage. Et vraiment, encore une fois, je sais bien le faire. Sauf avec lui. J'ai jamais pu m'empêcher de grimacer, sourire, froncer les sourcils ou encore le regarder fixement sans m'en rendre compte. Que ce soit avant ou, comme je le découvre en live, trois ans après. Alors il se lâche, fait des sous-entendus que j'ai bien cherché, et toutes mes émotions viennent danser sur mon visage. Je ressemble à un chien méchant, principalement. Mais un chien méchant intrigué, parfois. Nothing you would care about Qu'est ce que je suis supposé comprendre là-dedans ? Même lorsque le silence s'installe et que je m'assois, décidé à penser à autre chose, sa phrase revient, tournant en boucle. Moi qui pensais être passé à autre chose... Et il a raison de toute façon : on ne fait jamais rien facilement. Ca me plaisait, quand j'étais avec lui. Moins certain que ça me fasse rire aujourd'hui.

Mon regard glisse sur lui alors qu'il vient vers moi d'un pas décidé. J'esquisse un mouvement instinctif lorsqu'il me prend ma canette, prêt à lui arracher des mains parce que je suis à vif de la tension entre nous. Mais je me retiens, parce que je n'ai pas envie de ça. Et en plus je viens de m'excuser : ça m'a coûté assez cher de le faire, autant que ça ne soit pas pour rien. "Good to know you think irascible is part of my default setting, I'm sure that helped me to woo you." C'est une pique, mais le demi ton humoristique averti que je ne cherche pas la bagarre : je suis capable de parler sans chercher la merde, même avec lui. "And well..." Je me fixe sur la canette, les motifs bleu électrique agrandis par la pellicule d'eau qui s'est formée sur le métal froid. "I know it's a bad habit and I did mean to quit, at some point. But then what happened happened and it was too much change. And if I'm being honest, drinking it was a dumb way to get back at you while keeping you around, you know..." Je ne lâche pas la boisson du regard. C'est la première fois que je sors ça à voix haute et c'est à lui que je le dis.

Il y a un bip dans la salle d'à côté qui me tire de ma contemplation et que j'accueille volontiers comme distraction à ce malaise social. Ca ne me ressemble pas, d'être mal à l'aise. J'aime pas beaucoup, ils font comment les autres pour gérer ça ? Par pitié ou par pure coïncidence, Khel m'offre une nouvelle échappatoire et mon oeil gauche se met alors à briller alors que je passe en revue la banque d'images de ces dernières heures. Je choisis évidemment la plus drôle, un extrait de trois secondes d'un des énormes macaques s'élançant sur moi alors que je glisse in extremis sous une branche, son visage violet enragé alors que ses dents se referment à quelques centimètres du mien et qu'il ne se prenne dans les branchages, boule de poils grisonnants dans le vert du feuillage. "There you go." Je fixe une des parois du vaisseau où l'image se retrouvre projetée et j'esquisse un sourire en revisionnant l'extrait. "I swear I did not intend to make them that angry but it turns out, getting the shrooms that grow from their feces is hard enough. Doing it without stepping on their tails while trying to be stealthy not to wake them up is impossible." Je stoppe la projection et sors du compartiment la précieuse cargaison pour lui montrer fièrement, mes yeux brillants devant la beauté du champignon irisé. "But we both know I'm that fucking good. Takes more to stop me."

Je repose délicatement le container et par habitude rejoins Viria pour lui gratter la tête en le regardant travailler. "You know that reminds me of-" Je m'interromps, soudainement conscient de ce que je m'apprêtais à dire. C'est un bon souvenir, mais clairement pas un de ceux qu'on partage après trois ans de séparation, la première fois qu'on se revoit. "Nevermind." Je me râcle la gorge, le malaise de retour. "What are you doing here, anyway ? It's kind of the middle of nowhere, even for you..." J'essaie de me concentrer sur les ronronnements puissants de la panthère pour me composer une expression neutre. "And I assume it wasn't just to be my knight in shining armor." So cringe.

La discussion prend un tournant plus agréable et j'arriverais presque à me détendre malgré le commentaire sur ma qualité de coureur, quoi qu'il ait voulu dire par là. C'en est même perturbant de voir comment nous pourrions retrouver un équilibre, parler sans vouloir nous arracher la tête, arriver à cette complicité qui paraît si proche et si lointaine à la fois. Seulement voilà, c'est un parcours jonché de si, de peut-être et le presque est toujours bien présent. Comme une tension impossible à dissiper, un mur invisible qui refuse de tomber, maintenant cette distance entre nous avec entêtement.

Et il n'y a pas que la volonté d'être civiques. Tous les efforts du monde ne peuvent endiguer les émotions qui se bousculent en sa présence : la colère évidente qui gronde comme un orage sur le point d'éclater tout en se mêlant à une nostalgie, un deuil d'une époque probablement révolue que le son de son rire ne fait qu'accentuer. Un mélange dangereux, difficile à contrôler, auquel vient s'ajouter un désir que je savais toujours bien présent mais que je me contentais d'ignorer. Mes yeux ne le quittent pas quand il s'approche des moniteurs et mon regard glisse le long de ses bras musclés lorsqu'il retire sa veste. Pendant un instant, je détaille son corps, ses courbes que je connais bien et quelque chose remue en moi, un autre sentiment bien plus dangereux que le reste.

"It'd suit you, though." C'est un commentaire que je veux anodin, lancé alors que je m'approche de ce qu'il veut me montrer à l'écran et pourtant... Mon attention se fixe sur la carte spatiale que je suis ravi d'utiliser comme distraction à des pensées qui n'ont pas lieu d'être. Je l'écoute en faisant défiler la constellation du bout des doigts : je n'y ai jamais été ou alors je ne m'en suis pas rendu compte. C'est fort possible, étant donné les allers et venues que je fais dans le Cluster. Il finit par s'asseoir sur une caisse et je fais mine d'examiner plus en détail la carte pour ne pas réagir à chaud. "No one died, I was just asked to make sure they stay on their lane. Guess I'm a conciliator, now.". Une phrase qui me ramène bien malgré moi aux dernières conversations que nous avons eu avant que tout s'effondre. Je ne sais pas si je dois laisser la colère éclater ou être content qu'il puisse dire ce genre de choses désormais. Je n'écoute la suite que d'une oreille, concentré sur les prochains mots qui vont sortir de ma bouche. "Hm, looks more like Ramen Noodle to me, but hey I'm no astronomer." J'affiche un sourire satisfait en me retournant vers lui. Oui, j'utilise l'humour contre le malaise.

Comme pour souligner la nullité de mes propos, Viria pousse un court soupir et se lève de son coin pour venir se frotter contre les jambes de Khel. Le portrait est aussi touchant qu'il est familier et aussi cruel qu'il est impossible à apprécier sans culpabilité. Elle n'a jamais vraiment compris la séparation soudaine et les premiers temps ont été difficiles, qui lui en voudrait. Et maintenant qu'il est revenu, la voir lui témoigner autant d'affection ne me surprend pas le moins du monde. Si elle ne témoigne généralement cet intérêt que pour moi, Khel est l'exception qui confirme la règle et pourtant, il va devoir repartir sans qu'elle ne comprenne. Mon coeur se serre dans ma poitrine et je me râcle la gorge tout en croisant les bras sur mon torse comme à chaque fois que je ne me sens pas bien. "You do look like you need at least a week of sleep, that's for sure." Je ponctue la phrase d'un sourire où l'envie n'y est pas mais je suis forcé de faire bonne figure. "And you can go as soon as the astromech is done, we won't keep you, yeah Viria ?" J'appuie sur certains mots tout en regardant la panthère, comme pour la préparer. C'est maladroit mais c'est le mieux que je puisse faire.

Un silence s'installer, interrompu par les bruits de réparation qui proviennent du feed. La colère a disparue, au moins un temps, et mon esprit n'arrive pas à se décrocher de cette phrase alors je prends le risque de la raviver parce que si je ne le fais pas, je vais y penser pendant les semaines à venir et quand je suis bloqué sur un truc, c'est jamais bon. "So... You're a concilliator now. I thought you..." C'est plus dur à formuler que ce à quoi je m'attendais. "How does it feel ?" Oh, look, there it is, tension again.